Poésies

Un dernier pas

Cicatrices occultées sous les pulls longs
Elle avance tête baissée, regard fardé
Elle trébuche un peu, frêle sur des talons
Les épaules rentrées pour se faire oublier

Oublier qu’elle existe, que la vie s’échappe
Que l’homme qu’elle aime censé la protéger
La guide lentement, étape par étape
Sur le chemin d’une triste réalité

Réalité biaisée par de belles excuses
Déversées à torrents et si vite oubliés
Au creux de la tourmente des espoirs qui s’usent
Des mots rabaissants, puis des gifles assénées

Assénées sauvagement par désir de nuire
De mutiler les rêves, les gaies amitiés
Son âme éteinte ne songe guère à s’enfuir
Et cache les doutes, les fureurs répétées

Répéter « je vais bien » et nier l’évidence
Les ombres que reflètent ses orbes voilés
Courbée sous la béance, elle s’obstine, avance
Le visage lisse masque un corps mutilé

Mutilé par l’homme aux yeux doux et rassurants
Par les coups qui pleuvent, les santiags qui cognent
Par la honte, le silence, les faux-fuyants
La démarche évoque l’allure d’une ivrogne

Ivrogne du plaisir qu’il a d’être cruel
Et le cœur s’essouffle, inapte à le contenter
Il lui répète que c’est de sa faute à elle
Justifie ses bleus par la culpabilité

Culpabilité sinueuse, abject calice
Elle se hait, se punie, oublie de manger
S’étiole sous son emprise, piètre actrice
Un dernier pas, elle s’abat sur la chaussée.