Dépression

Plongée abyssale

 

Ils me saoulent. Tous. Je veux du calme, de l’oubli, du repos. Pourquoi n’omettent-ils pas de me poser des questions ? De me demander si je vais bien ? De me donner des conseils dont je n’ai que faire ?

Quand je sors, je sens leurs regards qui pèsent sur moi qui m’étudient comme pour déceler ce que je pourrais bien leur cacher, pour tenter de trouver mes failles, tenter de me porter assistance. Ils ne m’entendent pas quand je crie en silence tellement fort que cela en devient assourdissant. Ils n’entendent rien et c’est moi que l’on traite de sourde. Absurde.

Je veux me cacher dans le noir. La prison de ma chambre est protectrice et destructrice. Je le sais, mais j’en ai besoin. Besoin de me fondre dans cette obscurité qui greffe ses tentacules dans mon inconscient et agit sur ma conscience. Je ne suis rien d’important, rien de fondamental, rien. Je me complais dans le sombre et l’abstraction de tout son. J’aime ne penser à rien, mais ce négligeable prend des proportions irrationnelles et devient ingérable quand je sors de mes murs dissuasifs.

Je n’ai plus envie de rien, plus envie de sourire pour rassurer ceux qui disent s’inquiéter et ne font que titiller ma culpabilité. J’aimerais leur crier de passer leur chemin, que ma souffrance est trop immense pour leur petite commisération, que ma faiblesse m’achève à grand fracas de l’intérieur, que mes doutes m’assaillent à toutes heures, que ma peur gangrène mes défenses et saborde mes forces, que ma colère ronge toute volonté de résistance, que leurs congénères m’ont conduit dans ce tunnel sans fin, que leur impatience est l’étiolement de ma présence. Leur réalité entérine la précellence de mon absence.

Mais je me tais. Mes yeux et mes gestes parlent pour moi. Ma voix est devenue silence. Elle est trahison, elle est erreur, elle est faute, elle est coupable. Je ne peux agresser les autres, ils ne comprennent pas. Ils ont beau me fixer avec compassion, leurs visages ne cachent pas leur désapprobation et la douleur que mes mots impriment dans leurs cœurs. Alors je me tais. Je m’oublie dans ce mutisme, m’y abandonne, m’y noie. Je soulève chaque lame et la porte à mon âme. Je me crucifie sur la croix des certitudes indécises, des controverses certaines, des imaginaires réalistes.

Mon âme n’est qu’ombrages, échecs et ruines. Je veux fuir ailleurs, partir dans un monde où ma souffrance sera ma force, où mon tourment sera quiétude, où ma désespérance sera plénitude. L’angoisse source jouissive ne me quitte plus, s’accroche à mes pas, s’installe dans la profondeur insondable de mes iris, flétrit mon teint, contracte ma mâchoire, pince mes lèvres, plisse mon front, cerne mes yeux, ride ma peau, sale mes joues, guide mes actes, fait le vide autour de moi. En moi.

Me faire mal me soulage, apaisante sensation d’humilité et de raison, ultime concentration. Que tout s’estompe, que tout s’arrête.

2 réflexions au sujet de « Dépression »

  1. La question que je me pose maintenant c’est, comment réussir à sortir de cette émotion? Sinon c’est un très beau texte qui nous décrit à merveille l’état de dépression ! 🙂

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